A l’époque de la neurodiversité

Mai 11, 2021

Infini coloré, symbole historique de la neurodiversité

A l’époque de la neurodiversité

Neurodivergent, neuro-atypique, multipotentiel, haut potentiel, surdoué, singulier. Et j’en passe.

De l’encre coule, encore et encore.

Et le concept fait polémique.

J’accompagne depuis un grand nombre d’années (plusieurs dizaines) des personnes qui ont besoin d’aide.  Quelles que soient leurs problématiques, mon approche est, et a toujours été la même : que les personnes puissent mettre leurs aspirations en adéquation avec leur personnalité.

C’est ma formule. Un peu pompeuse j’en conviens, mais qui exprime mon point de vue.

Que l’on soit phobique social ou haut potentiel (ou… mettez le mot que vous voulez), la question est d’être bien dans ses baskets, en phase avec soi-même, et avec les autres.

Si je prends l’exemple du continuum de la timidité, à un extrême on trouve le désintéressement de soi (Mère Térésa ?), à l’autre un ego plus imposant (un patron d’industrie ? Un président ?).

Qui a raison ? Qui a tort ? Si j’en crois le DSMV ou la CIM10, les deux peuvent être pathologiques.

Ils ne le sont pas. Pourquoi ? Parce que chacun a su mettre ses aspirations en phase avec sa personnalité. Et ce n’est pas interchangeable. On voit difficilement Mère Térésa en président  et inversement….

Il est de très bons côtés à s’oublier. Il en est d’excellents à être plus égocentré.

La clef est donc de se connaître et de faire avec qui l’on est, VIRGULE, dans un monde peuplé d’autres. D’autres dont il faut tenir compte et qu’il faut connaître pour pouvoir faire avec également.

Comment se connaître dès lors que l’on pense que nous sommes tous semblables ? Ce que nous sommes. En effet, votre fonctionnement cardiaque est le même que celui de votre voisin. Dans ses grandes lignes. Par contre il va montrer des spécificités : votre singularité (concept que j’utilise depuis une bonne dizaine d’années d’ailleurs).

Comment se connaître dès lors que l’on est un peu plus singulier alors que l’on pense que tout le monde fonctionne à l’identique ?

C’est là qu’un concept trouve son intérêt.

Un concept est un raccourci de pensée, associé d’un stéréotype qui va parler à tous.

Le concept de « chaise » a pour stéréotype un objet ayant 4 pieds, un dossier et une assise.

Autour de ce stéréotype se déclinent nombres de variantes, toutes appartenant à la même catégorie : une chaise sans pieds, une chaise à trois pieds, une chaise à assise percée, une chaise pliante… toutes singulières, toutes semblables. Nous les reconnaissons toutes comme des chaises, grâce à la conceptualisation de l’idée de chaise, même si elles sont… différentes.

Le concept de surdouement (ce n’est pas un joli mot, mais je l’aime bien) a évolué au cours des décennies.

Par hasard, ou effet d’aimantation, il se trouve que les personnes que je reçois depuis 20 ans sont majoritairement surdouées (mettez encore une fois le mot que vous voulez).

Un surdoué (je me suis déjà expliquée, dans un de mes livres sur ma préférence pour le choix de cette terminologie) n’est pas juste un QI. C’est effectivement une plus grande quantité d’intelligence, que l’on objective (encore faudrait-il débattre de ce que l’on mesure, mais tel n’est pas mon propos ici) par le test de Weschler. Il n’y a pas de consensus international : nous avons, en France choisi de positionner la frontière à deux écart-types de la médiane, soit à 130 ; les Belges à 125 et les Québécois à 120. La conception du surdouement n’est donc pas identique d’un pays à l’autre. Il s’agit donc uniquement d’un choix statistique. De même qu’il faut mesurer plus d’1m60 pour entrer dans la gendarmerie nationale : c’est un choix statistique.

Il y a par contre consensus (ne voulant pas me fier à ma seule expérience ni à mes seules connaissances, je vérifie toujours mes intuitions dans la littérature scientifique internationale) sur un fonctionnement spécifique. Une plus grande intelligence émotionnelle. Une plus grande intelligence sociale. Une plus grande intelligence intuitive. Ce qui, dit ainsi, ne parle pas.

Conceptualiser le fonctionnement des surdoués leur est indispensable à une bonne connaissance d’eux-mêmes.

En leur fournissant un stéréotype, une image d’Epinal, et en leur précisant qu’il s’agit de cela, cela me permet de leur expliciter « noir sur blanc » des « décalages » qu’ils ont pu percevoir comme étant anormaux. Première étape.

Deuxième étape, cela leur permet de revisiter leur histoire, leurs événements de vie à travers ces nouvelles lunettes : ils peuvent accepter leur singularité. AU TRAVERS D’EXEMPLES QUI SONT LES LEURS.

Troisième étape, sachant comment ils fonctionnent et comment fonctionnent leurs pairs, ils peuvent enfin assumer qui ils sont. Non pas de manière revendicatrice, mais en sachant faire des ponts avec les autres. Sachant ce que les autres attendent, ils peuvent dès lors le leur fournir, mais par leur propre chemin.

Les formulations évoluent, et c’est très bien ; ma philosophie reste la même, adaptée à chaque fois aux personnes que je reçois, qui me permettent de valider si ma position est adéquate et de la faire évoluer en fonction de l’époque.

J’utilise ainsi aujourd’hui le terme d’enfant HP quand on utilisait auparavant celui de précoce.

J’utilise aujourd’hui celui de neurodiversité tout en sachant qu’il n’y a qu’en France (selon mes lectures) qu’il recouvre la notion de HP et pas seulement celles de TSA , TDAH…

J’ai besoin, dans ma pratique quotidienne de conceptualiser les idées pour aider les gens, pas pour les stigmatiser.

Béatrice Millêtre, Mai 2021