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Thomas, enfant décrocheur ?

Déc 27, 2020

Ses parents me contactent pour Thomas, 12 ans. Ils craignent qu’il ne soit en train de décrocher.

Voici ce qu’ils me disent de lui. « Thomas n’est plus motivé par ses cours. Il ne se met pas volontiers au travail le soir, passant du temps sur son téléphone, lisant des mangas et dessinant ses personnages préférés. Nous devons lui dire encore et encore de commencer ses devoirs. Il ne s’y met que lorsque nous nous mettons en colère, que nous crions. Il les fait alors par-dessus la jambe, en 1/2h. C’est toujours au dernier moment. Pour le coup, on est obligé de tout faire avec lui. En classe, rien ne l’intéresse. Si je lui demande sur quoi portaient ses cours, il répond qu’il ne s’en souvient pas. On a beau lui expliquer qu’il a besoin de travailler, que c’est pour lui, pour son avenir, rien n’y fait. »

Je comprends l’inquiétude de ces parents qui voient se transformer leur enfant. Lui, qui était joyeux est devenu grognon, irritable et a des sautes d’humeur. Il n’arrive plus à s’organiser et rabroue ses parents quand ils essayent de l’aider alors même qu’il  n’est pas autonome. Ils ont peur pour lui. Peur que cet état devienne permanent. Peur qu’il ne décroche. Peur qu’il faille le déscolariser. Peur qu’il ne réussisse pas sa scolarité. Peur qu’il rate sa vie.

Cette peur est légitime. Il faut cependant la mettre en vis-à-vis avec les résultats de Thomas et les objectifs de l’école. On oublie trop souvent que l’objectif, minimal je veux dire, est de passer dans la classe du dessus et de terminer sa scolarité. Pour cela 10/20 suffit. J’entends bien que ce n’est pas satisfaisant. Il n’en demeure pas moins qu’avec cette note Thomas réussira ses examens. Dès lors que l’on perçoit cet objectif, il devient possible de viser un résultat plus en accord avec ses capacités. 

Seulement, et j’insiste, et seulement si on sait que c’est du bonus.

A l’inverse de viser le 20/20 permanent ne peut que conduire à une dévalorisation systématique lorsque ce maximum n’est pas obtenu.

Ses parents me disent que ses notes sont en baisse et que c’est inquiétant. A ma question de ce que sont ses notes, ses parents me répondent que sa moyenne générale se situe entre 14 et 15. En baisse peut-être, mais largement satisfaisante.

Ils trouvent que l’école doit s’adapter et proposer des aménagements pour aider Thomas à ne pas perdre pied, à rebondir. C’est juste, mais il ne faut pas tout attendre de l’école. Une erreur souvent commise consiste à penser qu’il suffit d’alerter l’école pour que des solutions soient mises en place. C’est important bien sûr, lorsque c’est possible, mais pas suffisant. En effet si Thomas en est arrivé à ce point de lassitude, s’il ne répond pas aux attentes de l’école c’est, en quelque sorte, qu’il fonctionne à l’envers de lui-même.

Il importe en premier lieu de savoir ce qu’est la personnalité de Thomas et quel est son fonctionnement : plutôt intuitif, plutôt linéaire, visuel, auditif, plutôt rapide. Il faut en second lieu décoder pourquoi il est en retrait, lui expliciter son fonctionnement, lui expliquer le fonctionnement de l’école, les attentes des enseignants, le mode d’emploi en somme. Enfin, il va falloir que ses parents se fassent l’intermédiaire entre lui et l’école afin de lui détailler tout cela au fil de l’eau, jour après jour.

Si Thomas continue d’être poussé dans une direction qui ne lui correspond pas, le risque est qu’il s’épuise, fasse un burnout suivi d’une dépression.

L’objectif est de permettre à chaque enfant de se connaître, d’accepter sa singularité et ses différences, et de l’assumer.

Pas isolément, mais dans un tout incluant les autres.

Dont il faut également lui donner les clefs de fonctionnement et les attentes.

L’enjeu n’est ni l’école ni la famille, mais l’adulte en devenir que Thomas est.

J’ai aidé ses parents à écouter leur enfant, à s’écouter eux-mêmes car ils sont le meilleur expert de leur enfant, à tenir compte de sa personnalité propre, ce qui nécessite souvent de faire abstraction, plus ou moins, de l’influence sociale.

C’est un accompagnement plein de bon sens et de bienveillance que j’effectue de même avec les familles qui me sollicitent.

Béatrice Millêtre, Décembre 2020