Le quotidien de l’enfant précoce
Vivre avec un enfant précoce est merveilleux.
Ce sont des enfants avec qui l’on peut avoir des conversations élaborées. Ils sont futés, vifs, s’intéressent à de nombreuses choses, sont curieux de tout, posent des questions qui interpellent, sur l’origine du monde, l’existence de vie extra-planétaire, la vie quotidienne des hommes préhistoriques, ce qui fait vivre une plante… Ils ont une imagination débordante, regorgent d’idées créatives et adorent les histoires. Ils sont sensibles, ils témoignent, et ont besoin, de nombreuses marques d’affection.
Autant d’expériences quotidiennes extraordinaires qui rendent la vie avec ces enfants riche et passionnante.
Vivre avec un enfant précoce est un calvaire !
Un enfant précoce ne fera jamais rien de ce que vous lui demandez s’il n’en voit pas l’intérêt et s’il n’en a pas compris le sens.
Il ne s’intéresse pas à des choses simples que les autres enfants font avec facilité. Il fait tout au dernier moment et prend pour acquis chaque événement vécu une fois.
C’est monsieur ou madame « je sais tout » qui vous tient tête car il sait avoir raison.
Il a besoin de vous longtemps et ne semble pas autonome.
Hypersensible, il peut partir dans des crises de larmes et de colère à propos de sujets qui peuvent paraître futiles.
Vivre avec un enfant précoce demande de faire le grand écart en permanence.
Charmant et charmeur une minute ; grognon et dictateur la suivante.
Investissant une activité un jour ; la délaissant le lendemain.
Passant du coq à l’âne et laissant ses affaires en plan.
Rêveur et concentré.
Attachant et horripilant.
Brillant et médiocre à la fois.
Un enfant précoce, c’est en effet tout cela. Tout cela qui nous fait dire qu’il refuse et défie l’autorité, qu’il repousse les limites, qu’il est capricieux, arrogant, sûr de lui, qu’il ne montre aucune concentration lorsqu’il s’agit de travailler, qu’il se disperse et ne fait pas attention, qu’il repousse toujours tout et fait les choses in extremis.
Certes, cela est ce qui se voit, ce que l’on constate avec nos yeux et nos standards formatés par et pour un enfant « normal ». Si un enfant normal montrait les mêmes comportements et les mêmes attitudes, alors en effet, cela voudrait dire qu’il défie votre autorité, qu’il se disperse, qu’il ne sait pas travailler… Pour un enfant précoce, ces standards ne sont pas les bons.
En effet, un enfant précoce montre un fonctionnement complètement différent, dont il importe, non seulement de tenir compte, mais surtout de mettre en valeur si l’on veut qu’il s’épanouisse et qu’il aille bien.
Cela est vrai à la maison.
Cela est vrai à l’école.
Des interprétations basées sur le fonctionnement de tous
Car comment la maîtresse pourrait-elle penser que votre enfant est en train de résoudre le problème qu’elle lui a donné, alors même qu’il baye aux corneilles en regardant les mouches voler ?
Comment pourrait-elle savoir qu’il l’écoute plus attentivement en tripotant son crayon et en gribouillant qu’en la fixant dans les yeux ?
Comment pourrait-elle croire qu’il n’a pas copié sur son voisin lorsqu’il donne le résultat d’une opération sans savoir comment il a fait ?
Comment pourrait-elle se dire qu’il ne se moque pas d’elle lorsqu’il ne sait pas donner le résultat d’une addition simple, de niveau grande section alors qu’il est en CM1 ?
Pour elle, calquant son fonctionnement sur celui de ses camarades de classe, les interprétations ne peuvent qu’être celles-ci.
Et pourtant cet enfant est différent. Différent, non pas tant dans sa « quantité » d’intelligence que dans la manière qu’il utilise pour produire son raisonnement.
Les demandes des parents
Je reçois quotidiennement des parents qui viennent afin que j’aide leur enfant, précoce, dans sa scolarité et plus généralement dans sa vie d’enfant. Certains m’ont demandé si je pouvais faire du soutien scolaire avec eux. Ce qui n’est pas mon rôle… tout en l’étant.
Certains me disent de but en blanc que leur enfant est précoce ; pour d’autres, cela vient dans le fil de la conversation : « ah oui, on a fait le test, mais je ne vous l’ai pas apporté, je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir un rapport avec ce qu’il traverse. »
Tous savent donc que leur enfant est précoce.
Certains enfants sont scolarisés dans des établissements spécialisés, ou adaptés, pour les enfants précoces.
Pourtant, ils viennent me voir.
Parce que leur enfant est en souffrance : souffrance scolaire ; souffrance sociale ; souffrance familiale ; souffrance psychologique.
Une souffrance, alors même qu’ils savent être différents
On peut se demander pourquoi leur enfant est en souffrance, alors même que sa différence est reconnue, étalonnée, validée, vérifiée.
Parce que sous ce concept de précocité, se cache non pas une plus grande quantité d’intelligence (telle que mesurée par le test de QI), mais un fonctionnement différent qui est malheureusement trop souvent ignoré, aussi bien dans sa définition que dans les conséquences qui en résultent.
La vie d’un enfant précoce, de par le fonctionnement qui est le sien, est différente.
Ne pas connaître ce fonctionnement revient à nier sa précocité et à le faire fonctionner à l’envers de lui, à contraindre sa nature et à le détruire à petit feu.
Le mot est fort. Il reflète la réalité. Augustin, dix ans, en 6e dans un collège pour enfants précoces, ou Amanda, treize ans, en 3e dans un établissement similaire, sont tous deux en dépression.
Une connaissance stéréotypée
Lorsque je les rencontre, ils m’expliquent que, oui, ils sont précoces, que, oui, ils le savent, que, oui, ils en tirent parti au quotidien et dans leur vie scolaire.
La réalité est toute autre. Ils savent, tout comme leurs parents, qu’ils sont précoces. Ils ignorent ce que ce concept recouvre en termes de fonctionnement. Ils ignorent que leur raisonnement est intuitif ; ils ignorent qu’ils doivent laisser mûrir leur pensée ; ils ignorent qu’ils sont plus performants en faisant tout d’un coup et au dernier moment… Ils ignorent qui ils sont.
En gros, et en caricaturant, ils pensent qu’être précoce revient à être le premier de la classe et à être « plus » que les autres.
Ils savent, pour l’avoir lu, qu’ils présentent cette fameuse pensée en arborescence, et cette dyssynchronie, si communément décrites pour les enfants précoces.
Ils savent également qu’ils sont « intellectuellement » précoces, ou à haut potentiel « intellectuel. »
Et ? Et, rien d’autre que ces lieux communs.
Apprivoiser la précocité et vivre avec les autres
Premier constat : peu savent ce qui se cache sous ce concept de précocité.
Deuxième constat, que je tire des adultes que je reçois : de la même façon, ils savent qu’ils étaient précoces, et ils continuent de rencontrer des difficultés dans leur rapport au monde, aux autres, au travail, aux valeurs et au système qui les entoure.
Ce deuxième constat est ainsi le suivant, que quelle que soit notre personnalité, nous ne vivons pas sur une île déserte, et nous devons donc faire avec les autres. Ce que la vie en vase clos ne permet pas.
Voilà pourquoi, en quelques mots très succincts, ma conception de la scolarité d’un enfant précoce n’est pas d’être dans un établissement particulier.
Je suis convaincue qu’il vaut mieux pour leur bien-être et leur intégration future apprendre à fonctionner dans le monde qui les entoure.
À leur façon !
À leur façon, cela veut dire atteindre le résultat demandé, notamment par l’enseignant, par son chemin propre.
À faire les devoirs dont ils ont besoin et pas les autres ; à apprendre leur poésie à leur manière ; à prendre conscience de leur fonctionnement, à en tirer parti pour enfin être eux-mêmes. Eux-mêmes et donc pas une imitation des autres dans laquelle ils perdraient leur personnalité.
Décoder l’environnement et être l’interface avec l’école
Ce n’était pas possible il y a quelques années, ’cela l’est aujourd’hui.
En effet, non seulement chaque académie a-t-elle désormais un référent « enfant précoce », mais chaque école est ainsi tenue de mettre en place, si besoin est, un PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) comme pour tout enfant en difficulté.
En termes pédagogiques, des préconisations existent, regroupées en trois pôles : accélération, enrichissement, approfondissement. Le tout dans un programme particulier.
Ces trois options sont fondamentales et fonctionnent. Sauf que ’leur manque un cadre quotidien.
Comment en effet aider un enfant précoce si l’on ne lui fournit pas des outils appropriés à son fonctionnement ?
Des outils qui lui permettront de faire ce que l’on attend de lui, à sa façon, par son chemin propre, d’être efficace à sa manière.
Ainsi, sachant ce que l’on attend d’eux et comment ils peuvent y parvenir, les enfants précoces seront épanouis aujourd’hui, et demain une fois adultes.
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Béatrice Millêtre